Ce titre est celui de la section de Calligrammes en tête de laquelle ils sont réunis dans un ordre inchangé, sans dédicace, ne laissant transparaître qu’aux initiés les allusions personnelles dont ils sont chargés. Depuis Guillaume Apollinaire, qui réalisa les célèbres calligrammes, La Colombe poignardée et le Jet d'eau[2], La Cravate et la Montre ou encore Voyage[3], André Breton (1896-1966), poète surréaliste français, décrit un vase et son reflet dans le calligramme Pièce fausse, issu du recueil Clair de terre[4]. 125. Voici un parapluie pour te protéger de la pluie ou une ombrelle pour t’abriter du soleil. Papadogamvraki Kalliopi - professeur de français page . Calligrammes, collection of poetry by Guillaume Apollinaire, published in French in 1918. Publication préoriginale : Les Soirées de Paris, nº 19, 15 décembre 1913. Umbra, from Apollinaire Charles Bernstein. voyant la large croupe de mon cheval j’ai pensé à tes hanches, Voici les fantassins qui s’en vont à l’arrière en lisant un journal, Le chien du brancardier revient avec une pipe dans sa gueule, Un chat-huant ailes fauves yeux ternes gueule de petit chat et pattes de chat, Le riz a brûlé dans la marmite de campement, Ça signifie qu’il faut prendre garde à bien des choses, Le bruit des tracteurs qui grimpent dans la vallée, Mon désir est la région qui est devant moi, De mon désir qui est au-delà de la zone des armées, Je n’en parle pas aujourd’hui mais j’y pense, Des fils de fer des mitrailleuses des ennemis trop sûrs d’eux, Ca ta clac des coups qui meurent en s’éloignant, Vois les lueurs avant d’entendre les coups, Ou le tac tac tac monotone et bref plein de dégoût, Nuit violente et violette et sombre et pleine d’or par moments, Nuit violente ô nuit dont l’épouvantable cri profond devenait plus intense de minute en minute, Nuit qui criait comme une femme qui accouche, Voici le tétin rose de l’euphorbe verruquée, Que les civils et les femmes écoutent ces chansons, Et voici d’abord la cantilène du brancardier blessé, Je suis la tranchée blanche le bois vert et roux, Bleu-de-roi comme les golfes méditerranéens, Veloutés de toutes les nuances du velours, Ou mauves encore ou bleu-horizon comme les autres, Danse grenadier en agitant tes pommes de pin, Alidades des triangles de visée pointez-vous sur les lueurs, Creusez des trous enfants de 20 ans creusez des trous, Envolez-vous essaims des avions blonds ainsi que les avettes, Moi l’horizon je fais la roue comme un grand Paon, Écoutez renaître les oracles qui avaient cessé, Champagne viril qui émoustille la Champagne, Craquements des arrivées ou bien floraison blanche dans les cieux, J’étais content pourtant ça brûlait la paupière, Les officiers captifs voulaient cacher leurs noms, Œil du Breton blessé couché sur la civière, Et qui criait aux morts aux sapins aux canons, Priez pour moi Bon Dieu je suis le pauvre Pierre, Moi l’horizon je combattrai pour la victoire, Je suis l’invisible qui ne peut disparaître, Allons ouvrez les écluses que je me précipite et renverse tout, J’ai bâti une maison au milieu de l’Océan, Ses fenêtres sont les fleuves qui s’écoulent de mes yeux, Des poulpes grouillent partout où se tiennent les murailles, Et puis nous sommes tant et tant à être nos propres fossoyeurs, Pâles poulpes des vagues crayeuses ô poulpes aux becs pâles, Autour de la maison il y a cet océan que tu connais, Que c’est beau ces fusées qui illuminent la nuit, Elles montent sur leur propre cime et se penchent pour regarder, Ce sont des dames qui dansent avec leurs regards pour yeux bras et cœurs, C’est aussi l’apothéose quotidienne de toutes mes Bérénices dont les chevelures sont devenues des comètes, Elles accouchent brusquement d’enfants qui n’ont que le temps de mourir, Mais ce serait bien plus beau s’il y en avait plus encore, S’il y en avait des millions qui auraient un sens complet et relatif comme les lettres d’un livre, Pourtant c’est aussi beau que si la vie même sortait des mourants, Mais ce serait plus beau encore s’il y en avait plus encore, Cependant je les regarde comme une beauté qui s’offre et s’évanouit aussitôt, Il me semble assister à un grand festin éclairé a giorno, Elle a faim et ouvre de longues bouches pâles, La terre a faim et voici son festin de Balthasar, Qui aurait dit qu’on pût être à ce point anthropophage, Et qu’il fallût tant de feu pour rôtir le corps humain, C’est pourquoi l’air a un petit goût empyreumatique, Mais le festin serait plus beau encore si le ciel y mangeait avec la terre, Ce qui est une façon de ne pas se nourrir, Et se contente de jongler avec des feux versicolores, Mais j’ai coulé dans la douceur de cette guerre avec toute ma compagnie au long des longs boyaux, Quelques cris de flamme annoncent sans cesse ma présence, J’ai creusé le lit où je coule en me ramifiant en mille petits fleuves qui vont partout, Je suis dans la tranchée de première ligne et cependant je suis partout ou plutôt je commence à être partout, C’est moi qui commence cette chose des siècles à venir, Ce sera plus long à réaliser que non la fable d’Icare volant, Je lègue à l’avenir l’histoire de Guillaume Apollinaire, Dans ceux qui meurent en piétinant dans le barbelé, Dans les femmes dans les canons dans les chevaux, Au zénith au nadir aux 4 points cardinaux, Et dans l’unique ardeur de cette veillée d’armes, Si je pouvais supposer que toutes ces choses dans lesquelles je suis partout, Car si je suis partout à cette heure il n’y a cependant que moi qui suis en moi, L’amour a remué ma vie comme on remue la terre dans la zone des armées, J’atteignais l’âge mûr quand la guerre arriva, Et dans ce jour d’août 1915 le plus chaud de l’année, Bien abrité dans l’hypogée que j’ai creusé moi-même, C’est à toi que je songe Italie mère de mes pensées, J’évoquais le sac de Rome par les Allemands, Un Bonaparte le vicaire espagnol Delicado et l’Arétin, Regarde sans la défendre les efforts qu’on fait pour la détruire, Puis les temps sont venus les tombes se sont ouvertes, Les fantômes des Esclaves toujours frémissants, Se sont dressés en criant SUS AUX TUDESQUES, Plus doux que n’est le miel et plus simples qu’un peu de terre, Nous te tournons bénignement le dos Italie, Nous sommes là tranquillement et sans tristesse, Et si malgré les masques les sacs de sable les rondins nous tombions, Nous savons qu’un autre prendrait notre place, Les mois ne sont pas longs ni les jours ni les nuits, Toi notre mère et notre fille quelque chose comme une sœur, Qui met tant de différence entre nous et les Boches, J’ai aussi comme toi l’envol des compagnies de perdreaux des 75, Comme toi je n’ai pas cet orgueil sans joie des Boches et je sais rigoler, Je ne suis pas sentimental à l’excès comme le sont ces gens sans mesure que leurs actions dépassent sans qu’ils sachent s’amuser, Notre civilisation a plus de finesse que les choses qu’ils emploient, Et de ce qui est l’extérieur dans l’art et l’industrie, Les fleurs sont nos enfants et non les leurs, Même la fleur de lys qui meurt au Vatican, La plaine est infinie et les tranchées sont blanches, Les avions bourdonnent ainsi que des abeilles, Et les nuits sont parées de guirlandes d’éblouissements, De bulles de globules aux couleurs insoupçonnées, Nous jouissons de tout même de nos souffrances, Notre humeur est charmante l’ardeur vient quand il faut, Nous sommes narquois car nous savons faire la part des choses, Et il n’y a pas plus de folie chez celui qui jette les grenades que chez celui qui plume les patates, Tu aimes un peu plus que nous les gestes et les mots sonores, Tu as à ta disposition les sortilèges étrusques le sens de la majesté héroïque et le courageux honneur individuel, Nous avons le sourire nous devinons ce qu’on ne nous dit pas nous sommes démerdards et même ceux qui se dégonflent sauraient à l’occasion faire preuve de l’esprit de sacrifice qu’on appelle la bravoure, C’est la nuit je suis dans mon blockhaus éclairé par l’électricité en bâton, Je salue le souvenir des sirènes et des scylles mortes au moment de Messine, Je t’envoie mes amitiés Italie et m’apprête à applaudir aux hauts faits de ta bleusaille, Non parce que j’imagine qu’il y aura jamais plus de bonheur ou de malheur en ce monde, Mais parce que comme toi j’aime à penser seul et que les Boches m’en empêcheraient, Mais parce que le goût naturel de la perfection que nous avons l’un et l’autre si on les laissait faire serait vite remplacé par je ne sais quelles commodités dont je n’ai que faire, Et surtout parce que comme toi je sais je veux choisir et qu’eux voudraient nous forcer à ne plus choisir, Une même destinée nous lie en cette occase, Ce n’est pas pour l’ensemble que je le dis, Ne te borne point à prendre les terres irrédentes, Mets ton destin dans la balance où est la nôtre, Les réflecteurs dardent leurs lueurs comme des yeux d’escargots, Et les obus en tombant sont des chiens qui jettent de la terre avec leurs pattes après avoir fait leurs besoins, Notre armée invisible est une belle nuit constellée, Et chacun de nos hommes est un astre merveilleux, Ou se glissent souterrainement vers les Bien-Aimées, Ô Lille Saint-Quentin Laon Maubeuge Vouziers, Nous jetons nos villes comme des grenades, Nos fleuves sont brandis comme des sabres, Nous reprendrons les villes les fleuves et les collines, De la frontière helvétique aux frontières bataves, Et près de toi m’attend celle que j’adore, Métalliques débris qui vous rouillez partout, Entends crier Louvain vois Reims tordre ses bras, Et ce soldat blessé toujours debout Arras, Et maintenant chantons ceux qui sont morts, Il y a un vaisseau qui a emporté ma bien-aimée, Il y a un sous-marin ennemi qui en voulait à mon amour, Il y a mille petits sapins brisés par les éclats d’obus autour de moi, Il y a un fantassin qui passe aveuglé par les gaz asphyxiants, Il y a que nous avons tout haché dans les boyaux de Nietzsche de Goethe et de Cologne, Il y a que je languis après une lettre qui tarde, Il y a dans mon porte-cartes plusieurs photos de mon amour, Il y a les prisonniers qui passent la mine inquiète, Il y a une batterie dont les servants s’agitent autour des pièces, Il y a le vaguemestre qui arrive au trot par le chemin de l’Arbre isolé, Il y a dit-on un espion qui rôde par ici invisible comme l’horizon dont il s’est indignement revêtu et avec quoi il se confond, Il y a dressé comme un lys le buste de mon amour, Il y a un capitaine qui attend avec anxiété les communications de la T S F sur l’Atlantique, Il y a à minuit des soldats qui scient des planches pour les cercueils, Il y a des femmes qui demandent du maïs à grands cris devant un Christ sanglant à Mexico, Il y a le Gulf Stream qui est si tiède et si bienfaisant, Il y a un cimetière plein de croix à 5 kilomètres, Il y a des figues de Barbarie sur ces cactus en Algérie, Il y a les longues mains souples de mon amour, Il y a un encrier que j’avais fait dans une fusée de 15 centimètres et qu’on n’a pas laissé partir, Il y a les fleuves qui ne remontent pas leur cours, Il y a l’amour qui m’entraîne avec douceur, Il y avait un prisonnier boche qui portait sa mitrailleuse sur son dos, Il y a des hommes dans le monde qui n’ont jamais été à la guerre, Il y a des Hindous qui regardent avec étonnement les campagnes occidentales, Ils pensent avec mélancolie à ceux dont ils se demandent s’ils les reverront, Car on a poussé très loin durant cette guerre l’art de l’invisibilité, Voici de quoi est fait le chant symphonique de l’amour, Le bruit des baisers éperdus des amants illustres, Les cris d’amour des mortelles violées par les dieux, Les virilités des héros fabuleux érigées comme des pièces contre avions, Et l’hymne victorieux que les premiers rayons du soleil ont fait chanter à Memnon l’immobile, Il y a le cri des Sabines au moment de l’enlèvement, Il y a aussi les cris d’amour des félins dans les jongles, La rumeur sourde des sèves montant dans les plantes tropicales, Le tonnerre des artilleries qui accomplissent le terrible amour des peuples, Les vagues de la mer où naît la vie et la beauté, Il y a là le chant de tout l’amour du monde, donc pour gales ô se, voir aus gens du mi c ra, que les soleil gens qui, ciga devriez savoir, les creuser et voir, que les cigales creu, SOLAIRE leil, La sentinelle au long regard la sentinelle au large regard, Ont quelque chose de déchirant quand on les entend à la guerre, Les projectiles d’artillerie qui glissent, Ne mettez plus de coton dans les oreilles, Le petit geste du fantassin qui se gratte au cou où les totos le démangent, Les points d’impact dans mon âme toujours en guerre, puis écoutez tomber la pluie si tendre et si douce, soldats aveugles perdus parmi les chevaux de frise sous la lune liquide, des Flandres à l’agonie sous la pluie fine la pluie si tendre et si douce, confondez-vous avec l’horizon beaux êtres invisibles sous la pluie fine, Le village est presque endormi dans la lumière parfumée, La bouteille champenoise est-elle ou non une artillerie, Les ceps de vigne comme l’hermine sur un écu, Je les ai vus passer et repasser en courant, Bonjour soldats bouteilles champenoises où le sang fermente, Vous resterez quelques jours et puis remonterez en ligne, Échelonnés ainsi que sont les ceps de vigne, J’envoie mes bouteilles partout comme les obus d’une charmante artillerie, Un vigneron chantait courbé dans sa vigne, Un vigneron sans bouche au fond de l’horizon, Un vigneron qui était lui-même la bouteille vivante, Un vigneron champenois qui est un artilleur, C’est maintenant le soir et l’on joue à la mouche, Où l’Artillerie débouche ses bouteilles crémantes, Mes tapis de la saveur moussons des sons obscurs, 1 tout petit oiseau qui n’a pas de queue et qui s’envole quand on lui en met une, ouïs ouïs les pas le phonographe ouïs ouïs l’aloès, Mais le rat pénètre dans le cadavre et y demeure, En chantant un petit air qu’il ne sait pas très bien, Pas plus que l’or de la paille ne s’est terni, Alors que les arbres déchiquetés par l’artillerie, Et semblaient à peine des chevaux de frise, Mon cœur renaissait comme un arbre au printemps, Un arbre fruitier sur lequel s’épanouissent, Tandis que chantaient épouvantablement les obus, Et que les fleurs mortes de la terre exhalaient, Moi je décrivais tous les jours mon amour à Madeleine, La neige met de pâles fleurs sur les arbres, Et toisonne d’hermine les chevaux de frise, Qui vont vers toi comme de blanches vagues, Roselys ô panthère ô colombes étoile bleue, Si je songe à tes yeux je songe aux sources fraîches, Si je pense à ta bouche les roses m’apparaissent, Si je songe à tes seins le Paraclet descend, Tous les lys montent en toi comme des cantiques, Se changent en palmiers qui de leurs belles mains, Et elle retombe comme une pluie de larmes amoureuses, De larmes heureuses que la joie fait couler, Je me souviens ce soir de ce drame indien, Qui pense avant de faire un trou dans la muraille, Quelle forme il convient de donner à l’entaille, Afin que la beauté ne perde pas ses droits, À l’instant de périr nous poètes nous hommes, Un souci de même ordre à la guerre où nous sommes, Mais ici comme ailleurs je le sais la beauté, N’est la plupart du temps que la simplicité, Et combien j’en ai vu qui morts dans la tranchée, J’en vis quatre une fois qu’un même obus frappait, Ils restèrent longtemps ainsi morts et très crânes, Avec l’aspect penché de quatre tours pisanes, Depuis dix jours au fond d’un couloir trop étroit, Dans les éboulements et la boue et le froid, Parmi la chair qui souffre et dans la pourriture, J’ai plus que les trois cœurs des poulpes pour souffrir, Vos cœurs sont tous en moi je sens chaque blessure, Ô mes soldats souffrants ô blessés à mourir, Cette nuit est si belle où la balle roucoule, Tout un fleuve d’obus sur nos têtes s’écoule, C’est une fleur qui s’ouvre et puis s’évanouit, Monte le flot chantant dans mon abri de craie, Ô jeunes gens je m’offre à vous comme une épouse, Mon amour est puissant j’aime jusqu’à la mort, Tapie au fond du sol je vous guette jalouse, Et mon corps n’est en tout qu’un long baiser qui mord, De nos ruches d’acier sortons à tire-d’aile, Les doux rayons d’un jour qui toujours renouvelle, Aux fleurs d’intelligence à parfum de beauté, Le Christ n’est donc venu qu’en vain parmi les hommes, Si des fleuves de sang limitent les royaumes, C’est pourquoi faut au moins penser à la Beauté, Seule chose ici-bas qui jamais n’est mauvaise, Elle porte cent noms dans la langue française, Grâce Vertu Courage Honneur et ce n’est là, Souci de la Beauté non souci de la Gloire, Mais la Perfection n’est-ce pas la Victoire, Je chante la beauté de toutes nos douleurs, J’en ai saisi des traits mais vous saurez bien mieux, Donner un sens sublime aux gestes glorieux, L’un qui détend son corps en jetant des grenades, L’autre ardent à tirer nourrit les fusillades, L’autre les bras ballants porte des seaux de vin, J’interprète pour tous la douceur des trois notes, Que lance un loriot canon quand tu sanglotes, Qui donc saura jamais que de fois j’ai pleuré, Prends mes vers ô ma France Avenir Multitude, Chantez ce que je chante un chant pur le prélude, Des chants sacrés que la beauté de notre temps, Saura vous inspirer plus purs plus éclatants, Que ceux que je m’efforce à moduler ce soir, En l’honneur de l’Honneur la beauté du Devoir, Ma bouche te sera un enfer de douceur et de séduction, Les anges de ma bouche trôneront dans ton cœur, Les soldats de ma bouche te prendront d’assaut, Les prêtres de ma bouche encenseront ta beauté, Ton âme s’agitera comme une région pendant un tremblement de terre, Tes yeux seront alors chargés de tout l’amour qui s’est amassé dans les regards de l’humanité depuis qu’elle existe, Ma bouche sera une armée contre toi une armée pleine de disparates, Variée comme un enchanteur qui sait varier ses métamorphoses, L’orchestre et les chœurs de ma bouche te diront mon amour, Tandis que les yeux fixés sur la montre j’attends la minute prescrite pour l’assaut, Une belle Minerve est l’enfant de ma tête, La raison est au fond et le ciel est au faîte, Du chef où dès longtemps Déesse tu t’armais, C’est pourquoi de mes maux ce n’était pas le pire, Ce trou presque mortel et qui s’est étoilé, Mais le secret malheur qui nourrit mon délire, Est bien plus grand qu’aucune âme ait jamais celé, Et je porte avec moi cette ardente souffrance, Comme le ver luisant tient son corps enflammé, Comme au cœur du soldat il palpite la France, Et comme au cœur du lys le pollen parfumé, Leurs feuilles qui ressemblent à de pauvres marins, Des aveugles gesticulant comme des fourmis, Se miraient sous la pluie aux reflets du trottoir, Ne sors plus de chez moi diamant qui parlais, Dors doucement tu es chez toi tout t’appartient, Regards précieux saphirs taillés aux environs de Saint-Claude, Ils fleurissaient en l’air pendant ces nuits où rien ne dort, Jardins de la lumière où j’ai cueilli des bouquets, Tu dois en avoir assez de faire peur à ce ciel, À quel point le succès rend les gens stupides et tranquilles, Ô bouches l’homme est à la recherche d’un nouveau langage, Auquel le grammairien d’aucune langue n’aura rien à dire, Et ces vieilles langues sont tellement près de mourir, Que c’est vraiment par habitude et manque d’audace, Mais elles sont comme des malades sans volonté, Ma foi les gens s’habitueraient vite au mutisme, On veut de nouveaux sons de nouveaux sons de nouveaux sons, Servez-vous du bruit sourd de celui qui mange sans civilité, Le raclement aspiré du crachement ferait aussi une belle consonne, Les divers pets labiaux rendraient aussi vos discours claironnants, Et quelle lettre grave comme un son de cloche, Parlez avec les mains faites claquer vos doigts, Tapez-vous sur la joue comme sur un tambour, La mer gémir au loin et crier toute seule, Veut être ô mer vivante infidèle comme toi, La mer qui a trahi des matelots sans nombre, Engloutit mes grands cris comme des dieux noyés, Et la mer au soleil ne supporte que l’ombre, Que jettent des oiseaux les ailes éployées, La parole est soudaine et c’est un Dieu qui tremble, Avance et soutiens-moi je regrette les mains, De ceux qui les tendaient et m’adoraient ensemble, Quelle oasis de bras m’accueillera demain, Connais-tu cette joie de voir des choses neuves, Et dans le port la nuit les dernières tavernes, Moi qui suis plus têtu que non l’hydre de Lerne, Seront démodés et abandonnés dans peu de temps, Me voici devant tous un homme plein de sens, Connaissant la vie et de la mort ce qu’un vivant peut connaître, Ayant éprouvé les douleurs et les joies de l’amour, Ayant vu la guerre dans l’Artillerie et l’Infanterie, Blessé à la tête trépané sous le chloroforme, Ayant perdu ses meilleurs amis dans l’effroyable lutte, Je sais d’ancien et de nouveau autant qu’un homme seul pourrait des deux savoir, Et sans m’inquiéter aujourd’hui de cette guerre, Je juge cette longue querelle de la tradition et de l’invention, Vous dont la bouche est faite à l’image de celle de Dieu, Soyez indulgents quand vous nous comparez, À ceux qui furent la perfection de l’ordre, Nous voulons vous donner de vastes et d’étranges domaines, Où le mystère en fleurs s’offre à qui veut le cueillir, Il y a là des feux nouveaux des couleurs jamais vues, Nous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout se tait, Il y a aussi le temps qu’on peut chasser ou faire revenir, Pitié pour nous qui combattons toujours aux frontières, Pitié pour nos erreurs pitié pour nos péchés, Et ma jeunesse est morte ainsi que le printemps, Ô Soleil c’est le temps de la Raison ardente, Pour la suivre toujours la forme noble et douce, Qu’elle prend afin que je l’aime seulement, Elle vient et m’attire ainsi qu’un fer l’aimant, Car il y a tant de choses que je n’ose vous dire, Tant de choses que vous ne me laisseriez pas dire, http://obvil.paris-sorbonne.fr/corpus/apollinaire/calligrammes.
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